Après une longue marche depuis la plage jusqu'à Alverton, je venais d'arriver à l'auberge, suprêmement indifférente aux regards qui me suivaient. Il fallait dire que mes bottes humides faisaient de couic couic couic bien bruyant, je n'avais pas encore eu le temps de m'en acheter une nouvelle paire depuis mon naufrage que j'avais vécu en matinée.

Mes vêtements noires me collaient à la peau, imbibés de sable et déchirés à certains endroits, définissant mes formes féminines. Reste que ma démarche féline et chaloupée était fatiguée. J'étais de très méchante humeur.


-Du vin, aubergiste! Ta meilleure bouteille! M'étais-je exclamée d'un ton rogne et autoritaire. Pas le temps d'être polie, j'avais besoin de me changer les idées, surtout de me soûler. Cela m'amenait souvent l'inspiration que j'avais besoin pour me sortir des plus dures impasses.  

Attendant que  le tavernier me remit la bouteille, j'entendis un pas lourd s'approcher du bar, je jetais un coup d'oeil à un grand ténébreux tout aussi  mal fagoté que moi. Je l'observais, le trouvant bien fait de sa personne, bien qu'il soit malheureusement borgne.   Je  ne pus m'empêcher d'avoir un petit sourire  amusé et discret en voyant la montagne de sable tombée de sa botte.  

-Décidément, matelot, ce n'est pas notre journée hein? Lui lançais-je d'un ricanement cynique. Le tavernier s'approcha me remis ma bouteille. Sans un merci, je l'ouvris et cala une longue gorgée de vin...que je faillis recraché.  
-Pardieu, ce n'est pas le vin de Khios. C'est quoi cette merde?   Jurais-je d'un regard noir au tavernier qui haussa les épaules. Visiblement, il devait ignorer c'était où Khios. Ça? C'était le meilleur du vin du pays?


-Ces Korains..pas foutu de faire de la bonne alcool. Tsss...maugréais-je de mon accent purement Kroise.  Malheureusement, je n'avais pas le choix de m'en contenter. Frustrée, je lui lançais des piécettes et je décidais de quitter la salle commune pour me louer une chambre et avoir la sainte paix. Sentant que le borgne voulait possiblement continuer la conversation, je lui lançais:


-Une autre fois, je ne suis pas d'humeur, matelot!

Et c'est ainsi, toute rouquine tumultueuse que j'étais,   je disparus à l'étage pour me reposer dans ma chambre de fortune qui était loin d'équivaloir à  ma cabine. Après m'avoir débarrassé de mes bottes pleines d'eau et de sable, je me laissais tombée sur une chaise, les jambes allongées, la bouteille de vin décevante en main. En une journée, j'avais perdu mon navire, mon équipage et mon chapeau. Dès demain, j'allais commencé à mettre tout en oeuvre pour recruter des hommes et surtout trouver un moyen pour ravoir un nouveau navire. 

Pour l'heure, j'avais bien envie de noyer ma défaite dans l'alcool...et de faire un petit somme.

La porte claqua a nouveau alors qu'Edward vide ses bottes remplie de sable, son œil vert remonta lentement les longues jambes de la nouvelle venu pour terminer sur le visage de la rouquine.

Son verre de rhum à la main il écouta l'échange entre la tavernier et la rouquine se qui l'amusa un moment et prit une gorgée et haussa un sourcil à son commentaire envers lui et l'observa quitter ensuite la pièce.


- Matelot? en plus d’être pressé d'aller en haut elle est pressé de juger les gens sans prendre la peine de se renseigner.

Il termina son verre et fit signe au tavernier de lui remplir son verre et un second verre de rhum.

- Je vais aller lui expliquer certain point important je krois et qu'elle est point la seule à avoir eu de mauvais moment.

Deux verres de rhum en main il se redressa de son tabouret et se dirigea vers sa chambre où il cogna de son pied et s'adossa au mur avec un air sérieux et son sourcil haussé.

Alors qu'elle alla ouvrir la porte, Edward lui adressera ses mots. -Par chez moi même dans les mauvais moment nous prenons le temps de se présenter et prendre un verre avec une nouvelle rencontre et tu es point la seule a avoir eu mauvaise semaine. Lui tendu un verre de rhum toujours bien sérieux.

Au moment où je fermais les yeux pour m'assoupir, j'entendis un cognement à ma porte. Je grognais un  d'un juron peu féminin...eh! À force de me tenir avec des marins, j'avais pris de mauvaises habitudes. Fronçant les sourcils, j'ouvris les yeux et je viens me lever, une main sur mon épée...Mordieux, j'avais perdu aussi mon épée. Je jurai à nouveau, prête à me servir de mes poings s'il le fallait. Avec méfiance, j'ouvris la porte et je vis le grand ténébreux de tout à l'heure, de verres de rhum en main. Pinçant mes lèvres pulpeuses, je viens m'accoter contre la charpente de la porte et je croisais mes jambes de façon nonchalante.  Je l'écoutais me sermonner, un petit sourire fugace et ironique éclaira mon beau minois mutin.

-Humhum...et là d'où je viens, on laisse tranquille une femme qui est de très, très, très mauvaise humeur. 

Mon sourire s'élargit sardonique, j'observais son beau visage masculin et sa belle chevelure noire que même le sable n'arrivait pas à faire perdre de son lustre. J'abaissais mon regard sur son tatouage que j'entrevis sous sa chemise. Ah...pirate...Je relevais mon attention sur son oeil valide, d'un vert perçant. 


-Je me nomme Kallypso...Kapitaine Kallypso, mais on me konnait sous le nom de Sirèna. Satisfait?

Ma voix était un peu rauque, due aux nombreuses d'années d'avoir crier des ordres à bord, mais elle demeurait séduisante. Je l'observais à nouveau, curieuse de savoir qui était cet  effronté audacieux et arrogant, qui frôlait la stupidité en venant me déranger sans y être invité.  D'ailleurs...

-Je ne bois pas de rhum, ça change tout homme respectable en véritable imbécile...

 Ma tête pencha sur le côté, ma longue crinière rousse et échevelée suivit le mouvement. Je ne me laissais pas démonter par son air sérieux, devinant que je n'avais pas à faire finalement à un simple matelot. Sa prestance en disait long sur le poste qu'il avait pu occupé. Le charisme était l'opprobre des Capitaines. Comme moi, il avait sûrement perdu son navire durant la tempête. 

-Et tu es, matelot?

Je lui adressais un sourire arrogant et provocateur. Hors, contre toute attente, je lui ouvris ma porte et je le laissais entré. Je viens nonchalamment m'asseoir sur ma chaise et lui désigna le lit.

-Assis-toi et rakonte-moi. 

Une femme vertueuse n'aurait jamais osé invité un parfait inconnu dans sa chambre, mais je n'étais pas une femme vertueuse. J'étais une pirate, une capitaine, j'avais mon égale en face de moi. Il était peut-être la pire des ordures, mais je savais me défendre.  Reste qu'il m'inspirait confiance...enfin...la confiance que l'on peut accordé à un hors la loi. Portant ma bouteille de vin à mes lèvres, je viens croisée mes jambes, toute ouie à l'écouter.

Alors, je ne pus m'empêcher de rire un peu à son commentaire sur les idiots.

-Il est vrai, beaukoup...

Je soutiens son oeil vert, le sourire aux lèvres, ma mauvaise humeur s'était un peu dissipée. C'était sûrement dû au vin et à la présence de mon compatriote qui semblait avoir vécu autant de misère que moi en mer.  Il se présenta comme le capitaine Edwar Harris. J'avais vu juste, j'eus un petit sourire entendu à son adresse. 


-Enchanté Kapitaine Edward. Répondis-je avec un respect contrastant avec mon attitude arrogante de tout à l'heure. Je respectais le grade, mais allais-je respecté l'homme? Seul le temps le dirait...reste que je continuais à boire sans réserve, tout en écoutant son histoire.  Je fis silence, mes yeux turquoises se firent sincèrement désolée, je déposais ma bouteille sur le sol et je posais mes jointures sur ma joue. J'observais alors son beau profil en me disant que nombreuses femmes avaient dû cédé à ses avances. Étrangement, il ne semblait pas attirer par moi...cela me fit à la fois du bien et me rendit intérieurement perplexe. Je n'étais pas habituée à l'indifférence des hommes, outre les membres de mon équipage qui n'avaient jamais osé me regarder de travers. Un seul regard mal placé et c'était le fouet.  Enfin, il fallait croire que ce Edward était d'une autre trempe. Il me paraissait courtois et respectueux pour l'instant. J'appréciais ses qualités.  J'étais aussi surprise qu'il se confit  facilement à moi. Il avait visiblement besoin de parler de ce qu'il avait vécu. 

Reprenant ma bouteille, je portais à nouveau mon goulot à mes lèvres, bu une gorgée, mes joues tannées par le soleil rougir un peu dû au vin. D'un soupir, je répondis:

-Tu as véku de dure épreuves, Kapitaine. Je konnais ce genre d'épreuves, mais oui, komme moi, tu as survéku et tu es ici, dans cette auberge. Séras a été klémente...je me demande bien ce qu'elle nous réserve. Cela fait deux fois pour ma part qu'elle me sauve de la noyage. Il faut kroire que la mort ne veut pas de moi.

J'eus un petit rire, il y avait une note de tristesse, j'abaissais mes yeux en biais, mon pouce caressa insconciemment le contour fin de la bouteille. 

-De mon côté, une vague scélérate a pris à revers mon navire. Je n'ai pas réussi à protéger mes hommes comme une kapitaine aurait du faire...Cela fait des années que j'akkumule victoire et retour au port, mais là...la mer était si violente, tout c'est passé trop vite. Je n'ai jamais vu une mer aussi déchaînée de toute mon existence. Jamais...

Je gardais pour moi que j'aurai préféré mourir avec mes hommes. C'était une honte pour une capitaine d'avoir à survivre quand elle a fait la promesse à son équipage de les ramener à bon port. Lentement, je reportais la bouteille de vin à mes lèvres. Je prenais doucement conscience que j'avais apprécié mon équipage, même s'ils avaient servi sous les ordres du feu Écarlate le Sanguinaire. Ils avaient été pour moi une famille. Je les avais perdu en un claquement de doigt. Je rivais mon regard turquoise vers le Capitaine qui avait tout autant souffert d'avoir tout perdu. Finalement, nous avions plus en commun que n'importe qui en ce monde. 

-Enfin, c'est du passé...j'imagine que tu compte recruter et obtenir un navire, Kapitaine Edward?

-Tout komme moi. Il y a rien de plus enivrant que l'appel du large. Quand le Sirokko gonfle les voiles et que l'appel de la liberté est à portée de main! Pardi, j'ai bien hâte de reprendre aussi la mer. De me dénicher navire et hommes. C'est tout ce qui kompte pour moi! Répondis-je d'un ton plus bas et passionné, mon regard se fit lointain, mes traits féminins rêveurs. Je viens alors porter mon goulot à mes lèvres, mais le goût aigre me rappelait où j'étais. Je fis une moue dégoûté et  délaissa le fond de ma bouteille sans plus de regret. 

Je relevais mon attention sur Edward,le détaillant en silence tandis qu'il m'exprimait son souhait de découvrir qu'est-ce qui m'a forgé. Un sourire fugace étira l'ourlet de mes lèvres invitantes, je changeais un peu de position pour être plus confortable sur ma chaise, étirant mes longues jambes vers le pied du lit. Tant qu'à lui, il semblait prendre confortablement ses aises, comme un grand fauve qui se croyait tout permis, comme si tout lui appartenait jusqu'à mes draps. J'arquais mon long sourcil auburn, j'eus un sourire narquois

-Il est vrai que le passé nous forge, Kapitaine,  mais pour ce qui de dékouvrir ce qui m'a forgé, mis à part la mer et ses kaprices,  je ne kompte pas le dévoiler à personne.

Disant cela, mes traits s'assombrirent un peu, je chassais le pénible souvenir qui hantait mes nuits.  Si je devais le dévoiler à quelqu'un, cela allait être à une personne en qui j'avais entièrement confiance. Je ne l'avais pas encore trouver. Disant cela, j'eus un petit rictus à sa proposition de se serrer les coudes entre pirates.  


-Seulement si cela sert mes intérêts.  Disant cela, ce fut à mon tour de tourner mon attention vers la fenêtre de la chambre. Les Korains vont s'en doute  vouloir nous recruter comme korsaires pour leur légion. Une façon de nous diviser et de nous garder sous leurs bottes. Je ne kompte pas y adhérer et j'espère que cela sera la même chose pour toi.  

Pensive et stratège, je viens caresser mon menton fin , puis lentement je reportais mes yeux sur lui. Je fis à nouveau silence avant d'affirmer:

-Reste que je tiens à mon honneur, tout pirate que je suis, Kapitaine Edward. Je ne fais jamais de promesse que je ne peux tenir. Nous verrons si l'avenir sera promesse d'alliance ou de koups bas. Pour l'heure, je n'ai rien kontre toi.  

Je gardais alors mes pensées pour moi en répondant à son sourire sincère. Je ris légèrement et approuvais de la tête en répliquant:

-Certes...cela serait mieux que tu aille trouvé ta propre chambre. Je tiens à ravoir ma paillasse. 

En vérité, le vin et ma marche infinie jusqu'à Alverton m'avait épuisé. J'avais grand besoin de dormir et je tenais à avoir cette paillasse à moi toute seule. Disant cela, je me levais de toute ma hauteur- j'étais tout de même grande pour une femme, malgré qu'il me dépassait d'une tête ou deux- et je me dirigeai vers la porte pour lui ouvrir. D'un signe de tête vers l'extérieur, j'avouais mi- séductrice mi-moqueuse:

-Dans d'autres cirkonstances, je n'aurai pas été kontre de dormir auprès de la chaleur d'un corps masculin, mais pour l'heure, j'ai besoin de ma solitude. À la prochaine, Kapitaine Edward. 

C'est ainsi que je lui offris mon plus beau sourire, tout en l'empressant de quitter la chambre qui me servait de cabine provisoire.