Les journées se ressemblaient à l’école de magie, toutes les mêmes. Un cycle interminable d’explications et de leçons toutes plus ennuyeuses les unes que les autres.

Mais, le père du jeune Kroise avait insisté. Il rabâchait sans arrêt que le sang Karge coulait dans les veines de Diegelys et qu’il devait absolument développer ce don coûte que coûte. Le père, orgueilleux, avait même forcé ce prénom d’origine Karge sur le jeune homme.

Mais, Diegelys était la risée de l’école. Incapable même des sorts les plus simplets. Il passait le plus clair de son temps à rêvasser en regardant les fenêtres menant vers le port.

Si ce n’était de ces yeux d’un blanc immaculé, il aurait été difficile pour quiquoncque de deviner ses ancêtres Karge. Même si son teint était plus pâle que la moyenne, il aurait pu passer pour un pur Kroise si ce n’était de cette “malédiction”. Comme il l’appelait…

Deux ans s’étaient écoulés, sans que le jeune ne fasse aucun progrès. Les ressources de ses parents s’épuisaient et cela commençait à fomenter la bisbille dans la demeure familiale. Ses instructeurs étaient également de plus en plus impatients… irrités… puis méchants.

Résigné, Diegylis s’était concentré sur la lecture du tarot et la divination de bas étage. C’était le seul domaine où il obtenait, parfois, des résultats un tant soit peu tangibles.

Un bon jour, particulièrement mauvais, la folie Karge de laquelle il avait été épargné jusque là, prit le dessus. Diegelys finit par s’introduire dans les réserves de l’école et s’appropria son propre jeux de tarot, de l'or et des provisions.

Il laissa ses rêveries de fenêtre le guider vers le port, pour ne jamais regarder en arrière. Il servit dans quelques groupes de marins, d'explorateurs et même de brigands. Jamais il ne posa réellement son pied.

L’étreinte de l’océan calma ses maux et sa folie, pour un temps.

Jusqu’à récemment, où il revint à Alverton pour affronter ses géniteurs. Passage obligé.

…Pour y trouver une chaumière habitée par une autre famille Kroise, possiblement plus heureuse et plus chanceuse. Il était sans doute revenu trop tard.

Aucun œil blanc en vue, pensait-il.

Il sourit, attendri, puis armé de sa fidèle arbalète retourna vers le port prêt pour une prochaine décennie d’aventure dans l'équipage du capitaine Hendrik.

Lors de bataille avec des pirates, le bateau fut incendié et le mat tomba à l'océan avant que Diegylis puisse réagir. Celui-ci réussit à s'échapper et se faufila sur la terre la plus proche. Seul pour survivre, il traqua les deux pirates naufragés pendant des jours, profitant de la proximité de leur campement et de leurs rations en douce.

D'une manière inattendue et grotesque, les présentations finirent par se faire, forcées par le destin. Après pourparlers et promesses, il semblait que l'œil maudit de Diegylis l'avait porté vers un nouvel équipage de fortune.

Mettant la main à la pâte avec l'équipage du Capitaine Harris, l'équipage travaillait maintenant à la reprise d'un nouveau navire.